Crampes en musculation - Pourquoi ? comment les éviter et récupérer ?
Les crampes sont encore aujourd’hui assez incomprises par les scientifiques. Leurs causes et leurs origines sont particulièrement vastes au point qu’il n’existe pas de véritable consensus. Ainsi la démarche médicale actuelle consiste à d’abord déterminer le contexte dans lequel les crampes apparaissent afin d’avoir suffisamment d’indices pour trouver leur origine.
Nous verrons ici les causes et origines des crampes dans le cadre de la musculation ; comment s’en prévenir ; comment récupérer dès l’apparition des crampes ; et enfin en quoi elles peuvent être annonciatrices d’une blessure prochaine.
Définition d'une crampe
Les crampes sont des contractions musculaires continues, involontaires et surtout douloureuses. Elles peuvent toucher un groupe musculaire, un muscle unique ou une portion réduite de fibres musculaires. Elles durent en général entre quelques secondes et quelques minutes (1).
Origines et causes des crampes en musculation
Nous allons donc parler ici des crampes dans le cadre du sport et de la musculation uniquement, qui se manifestent chez les personnes en bonne santé. C’est à dire en excluant les crampes qui auraient pour cause des pathologies neurologiques, endocriniennes et métaboliques.
Les scientifiques ont déterminé que les crampes apparaissant pendant ou peu de temps après une séance de musculation ou de sport en général auraient deux causes principales (2), (3) et (4):
– La déshydratation, la surhydratation et le déséquilibre d’électrolytique
– La fatigue neuromusculaire
Des crampes liées à une fatigue neuromusculaire signifient donc que le muscle a beaucoup travaillé. C’est donc plutôt bon signe dans le cadre de la musculation. Néanmoins il est tout à fait possible et de bien travailler ses muscles tout en évitant les crampes.
Crampes et déshydratation/déséquilibre électrolytique
La surhydratation est moins fréquente, ce sont surtout le déshydratation et le déséquilibre électrolytique qui sont responsables des crampes. En général ces crampes se manifestent surtout au cours de l’exercice où très peu de temps après l’exercice.
Les principaux électrolytes sont le sodium, le potassium, le calcium, le magnésium et le chlore. Les électrolytes ont un rôle très important dans la régulation du volume des fluides cellulaires ainsi que dans l’influx nerveux et la contractibilité des muscles (5). Ils agissent comme conducteurs électriques pour les messages envoyés par le système nerveux.
La quantité de fluide disponible est également un facteur d’apparition de crampes. La déshydratation provoquée par la transpiration ou par le manque d’apports en eau peut ainsi entraîner des crampes alors même que les électrolytes seraient présents en quantités suffisantes. En effet la déshydratation va réduire le volume de la circulation sanguine et réduire la quantité de fluides dans les cellules.
A l’inverse la surhydratation va diluer la quantité d’électrolytes présents dans le corps et donc créer un déséquilibre électrolytique (6).
Crampes et fatigue neuromusculaire
Ce type de crampes a été constaté dans les études se concentrant à l’origine sur les crampes liées à la déshydratation et aux déséquilibres électrolytiques. Il a été en effet découvert que des crampes apparaissaient chez les sportifs alors même qu’ils restaient hydratés durant l’effort avec des boissons contenant des électrolytes (7).
Cette découverte a ouvert la voie à l’hypothèse des crampes ayant pour origine une fatigue neuromusculaire. Même si cette hypothèse a été constatée en pratique, elle reste encore mal connue et n’a pas totalement été explicitée.
Comment arrêter une crampe immédiatement ?
Pour stopper immédiatement une crampe il suffit d’étirer le muscle. L’effet est immédiat et très efficace. Cependant les crampes reviennent très rapidement si vous refaites le mouvement qui a déclenché la crampe. Il est conseillé dans ce cas de s’asseoir et de limiter son activité pour laisser le corps récupérer (Voir comment récupérer).
Comment éviter les crampes ?
- Pour les crampes liées à la surhydratation, la déshydratation ou le manque d’électrolytes :
Pour les éviter la logique est donc premièrement de boire suffisamment mais pas trop. Il est ainsi conseillé de ne pas dépasser 1 litre d’eau par heure d’exercice (8). Les scientifiques ont d’ailleurs découvert que les sportifs avaient tendance à trop boire durant un entraînement de musculation et à ne pas boire assez durant des exercices d’endurance (9). Ainsi et surtout pour les pratiquants de musculation, vous tâcherez de surveiller vos apports en eau durant l’entraînement.
Les déséquilibres électrolytiques apparaissent surtout chez les personnes pratiquant des sports d’aérobie comme le cyclisme ou la course à pied. C’est ici que l’utilisation de boissons isotoniques contenant des électrolytes est particulièrement importante et conseillée. Vous trouverez plus de détails sur les boissons isotoniques dans notre article boisson d’entraînement.
Un autre élément à surveiller est la prise de caféine. La caféine a un effet diurétique et provoque la fuite des minéraux (donc des électrolytes) dans les urines (10). Le résultat est ici encore un déséquilibre électrolytique. La prise de caféine est très populaire chez les pratiquants de musculation et doit donc être consommée avec modération si vous souffrez de crampes.
- Pour les crampes d’origine neuromusculaire :
Si vous souffrez de crampes alors même que vous êtes hydraté et qui vous utilisez une boisson contenant des électrolytes, il est très probable qu’elles soient dues à une fatigue neuromusculaire. Dans ce cas il n’y a pas grand chose à faire si ce n’est vous supplémenter avec des compléments améliorant et renforçant le système nerveux comme la Taurine, le Magnésium ou encore la glycine. Vous pouvez également choisir de réduire le volume d’entraînement ou les charges utilisées.
Malheureusement l’efficacité de ces compléments sur les crampes relèvent encore de suppositions car les études scientifiques sont encore trop peu nombreuses sur le sujet. Deux études récentes, dont une méta-analyse, ont démontré un effet de la taurine sur la fréquence la durée et l’intensité des crampes (11) et (12). Cependant ces études ont été faites chez des malades atteints de cirrhose. Ainsi on ne peut pas être totalement sûr que la réduction de l’excitation neuromusculaire (excitation d’origine métabolique cad cirrhose) soit bien entièrement due à l’effet de la taurine sur le système nerveux.
- Pour les crampes liées à la surhydratation, la déshydratation ou le manque d’électrolytes :
Comment récupérer après l'apparition de crampes ?
On voit régulièrement des bêtises comme “buvez de l’eau abondamment”. Ceci est particulièrement stupide puisque si les crampes sont liées à une surhydratation ou à un déséquilibre électrolytique, le fait de boire une eau classique va d’autant plus diluer les électrolytes sanguins et accentuer les crampes. Boire n’est utile qu’en cas de crampes liées à la déshydratation.
Si vous êtes sûrs que vos crampes sont liées à une déshydratation ou à un déséquilibre électrolytiques, alors vous pouvez boire une boisson pour le sport contenant des électrolytes, utiliser des électrolytes en compléments en poudre (en général mal dosés), ou utiliser votre propre mélange d’électrolytes. Un bon mélange d’électrolytes contient au moins du sodium, du potassium, du calcium et du magnésium.
Si vos crampes sont liées à une fatigue nerveuse et qu’elles apparaissent au cours d’un entraînement, le plus raisonnable est de cesser l’activité physique et de se reposer.
Les crampes peuvent annoncer une blessure prochaine - Faiblesses de "muscles secondaires"
Certaines crampes peuvent être annonciatrices d’une future blessure. On repère ces crampes par leur localisation sur des “muscles secondaires”. Comme nous l’avons vu les crampes qui apparaissent dans le cadre de la musculation sont le plus souvent liées à une fatigue musculaire (déséquilibre électrolytique ou fatigue neuromusculaire provoqués par l’exercice).
Ainsi lorsque des crampes sont localisées sur des muscles qui sont intervenus de manière secondaire comme par exemple un muscle stabilisateur contracté en isométrie au cours d’un exercice, cela peut être signe d’une faiblesse musculaire. En effet les muscles principaux sollicités dans l’exercice ont travaillés normalement mais les muscles qui sont intervenus de manière secondaire sont épuisés au point de subir des crampes.
Beaucoup de pratiquants confirmés estiment que les muscles secondaires qui interviennent en isométrie dans des exercices polyarticulaires sont “forcés” de s’adapter et de grossir en même temps que les muscles principaux sollicités dans ces exercices. C’est à notre sens un faux raisonnement. Les muscles stabilisateurs travaillant en isométrie peuvent effectivement s’épuiser du fait d’un travail isométrique. Cependant cette fatigue musculaire provoquée par de l’isométrie ne conduit pas forcément à la fabrication de masse musculaire ou de gains nerveux.
On sait depuis longtemps que les gains d’hypertrophie sont très limités dans le cadre de l’isométrie. Les gains nerveux sont aussi limités car on sait que le potentiel des gains de force d’un muscle est limité par la quantité de masse musculaire présente. Le risque est donc que les muscles principaux progressent, grossissent et permettent d’utiliser des charges de plus en plus lourdes. Les muscles secondaires, souvent stabilisateurs, ne se développent pas suffisamment, l’écart se creuse et une blessure plus ou moins grave apparaît.
Par exemple des crampes aux mollets ou aux psoas iliaques pendant ou après une séance de squat ou de soulevé de terre sont très probablement signes d’un sous développement musculaire des mollets ou des psoas. Ce déséquilibre de développement musculaire peut provoquer à termes des blessures comme des tendinites, des claquages, puis se compliquer vers des pathologies très handicapantes comme la sciatiques ou le syndrome rotulien.
Ces muscles deviennent les maillons faibles d’une chaîne musculaire ou du groupe de muscles sollicités dans un exercice. Le corps devra compenser leurs faiblesses en modifiant l’équilibre de répartition des tensions musculaires, ainsi une partie des tensions se reportera sur des muscles ou tendons alentours, d’où les complications en pathologies plus graves.
Surveillez attentivement les crampes dont la localisation est inhabituelle. Des crampes aux psoas sont normales après une séance d’abdominaux mais sont suspectes après une séance de squat. Idem avec les crampes aux mollets, elles sont normales après des exercices sollicitant directement les mollets mais suspectes après une séance de squat et de soulevé de terre.
Si vous constatez ce type de crampes, il est urgent de réparer ces faiblesses en accentuant le travail direct de ces muscles. Ex : pour les psoas, privilégiez les crunchs sur banc incliné.
Sources scientifiques :
- (1) Bruno Bordoni/ Kavin Sugumar/ Matthew Varacallo, “Muscle cramps”, StatPearls Publishing, january 2020 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK499895/
- (2) Jung/ Alan P et al., “Influence of Hydration and Electrolyte Supplementation on Incidence and Time to Onset of Exercise-Associated Muscle Cramps.” Journal of athletic training vol. 40,2 (2005): 71-75. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1150229/
- (3) Bruno Bordoni/ Kavin Sugumar/ Matthew Varacallo, “Muscle cramps”, StatPearls Publishing, january 2020
- (4) Miller/ Kevin C et al., “Exercise-associated muscle cramps: causes, treatment, and prevention.” Sports health vol. 2,4 (2010): 279-83. doi:10.1177/1941738109357299 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3445088/#bibr34-1941738109357299
- (5) National Research Council (US) Subcommittee on the Tenth Edition of the Recommended Dietary Allowances. Recommended Dietary Allowances: 10th Edition. Washington (DC): National Academies Press (US); 1989. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK234932/ doi: 10.17226/1349
- (6) Rosner. Mitchell H., “EXERCISE-ASSOCIATED HYPONATREMIA.” Transactions of the American Clinical and Climatological Association vol. 130 (2019): 76-87. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6735969/
- (7) Notamment : Jung/ Alan P et al., “Influence of Hydration and Electrolyte Supplementation on Incidence and Time to Onset of Exercise-Associated Muscle Cramps.”, Journal of athletic training vol. 40,2 (2005): 71-75. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1150229/
- (8) Rosner. Mitchell H., “EXERCISE-ASSOCIATED HYPONATREMIA.” Transactions of the American Clinical and Climatological Association vol. 130 (2019): 76-87.
- (9) Cosgrove SD, Love TD, Brown RC, Baker DF, Howe AS, Black KE. Fluid and electrolyte balance during two different preseason training sessions in elite rugby union players. J Strength Cond Res. 2014 Feb;28(2):520-7. doi: 10.1519/JSC.0b013e3182986d43. PMID: 23669819. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23669819/
- (10) Passmore AP/ Kondowe GB/ Johnston GD, «Renal and cardiovascular effects of caffeine: a dose-response study», Clin Sci (Lond). 1987 Jun;72(6):749-56, DOI: 10.1042/cs0720749, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3297472/
- (11) Vidot H/ Carey S/ Allman-Farinelli M/ Shackel N., “Systematic review: the treatment of muscle cramps in patients with cirrhosis”, Aliment Pharmacol Ther. 2014 Aug;40(3):221-32. doi: 10.1111/apt.12827. Epub 2014 Jun 18. PMID: 24942957 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24942957/
- (12) Vidot H/ Cvejic E/ Carey S/ Strasser SI/ McCaughan GW/ Allman-Farinelli M/ Shackel NA., “Randomised clinical trial: oral taurine supplementation versus placebo reduces muscle cramps in patients with chronic liver disease”, Aliment Pharmacol Ther. 2018 Oct;48(7):704-712. doi: 10.1111/apt.14950. Epub 2018 Aug 23. PMID: 30136291. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30136291/